Extrait « Nuits d’encre », par Françoise REY

Spontanément, tu t’es mis à genoux à mes pieds. Je t’aime pour ta gentillesse, pour ton impétuosité jugulée, pour ta bonne volonté de nouveau mari attentif et charmant. Tu vas voir, je vais être très coopérative, moi aussi…

_ Caresse-moi les jambes, s’il te plait, j’adore ça…

_ Là, comme ça, à travers tes collants ?

_ Hum ! Oui, comme ça, c’est délicieux…Les pieds ! pense aux pieds !

_ Les pieds ! Bien, les pieds.

_ Et puis tu remontes, le long des mollets, jusque derrière les genoux…

_ Jusque derrière les genoux, bien

_ Et devant aussi. Sur les genoux. Le rond de la rotule. C’est presque intenable.

_ Et là ? Je peux là ?

_ Oui, tu peux,  mais pars chaque fois d’un peu plus bas pour remonter toujours plus haut…

_ Tu sais qu’on va y arriver, là ?

_ Pas tout de suite, pas tout de suite, c’est trop bon…

_ D’ailleurs, si tu portais des bas, on y serait peut-être déjà…

_ Des bas ! A mon âge ! Quand, je serai une mémé de trente-cinq ans, oui, peut-être, pour tacher de t’exciter encore…

_ Mais il n’y a pas d’âge pour porter des bas…

_ Si, il y a un âge, et un statut. Moi, je suis ta femme, alors je mets des chaussettes de laine à pompons, si je veux…

_ Malheureuse ! Ne fais jamais ça…Tu me perdrais ! Pense que, toi aussi, tu n’as aucun droit, que des devoirs…

_ Et j’ai le devoir de porter des bas ?

_ Tu as le devoir de me plaire toujours, de m’émoustiller, de me faire bander…

_ Oh ça, pour l’instant, tu te contentes de mes collants, j’ai l’impression !

_ Masi c’est qu’elle me touche ! Avec le pied, encore ! Tu n’as pas honte ?

_ Honte, non, mais peur, un peu…

_ A cause ?

_ A cause de la chaussure trop petite…

_ Encore cette histoire de chaussure !...Mais c’est fou de s’embêter comme ça pour une chaussure ! D’abord qu’est ce qu’une chaussure, dans la vie ?

_ T’arrêtes pas de me caresser ! C’est très important, une chaussure : regarde Cendrillon ! D’ailleurs, quand on se marie, on dit qu’on a trouvé chaussure à son pied…

_ Bien sûr, mais une chaussure, une bonne chaussure, s’entend, ça se prête, ça se fait au pied, ça n’est jamais trop petit…

_ Si ! Prends les sœurs de Cendrillon, elles n’ont pas pu l’enfiler, la chaussure !

_ Oui, mais elles étaient moches. Ma chaussure à moi non plus, elle n’irait pas aux sœurs de Cendrillon. Mais à toi, elle va t’aller comme un gant, ma chaussure, tu vas voir !

_ Tu crois ?

_ Mais, oui…

_ Depuis tout à l’heure, je la sens tellement… Enfin tellement…

_ Ttt… Ttt… Ttt… L’essentiel, c’est de bien préparer le pied. Soulève les fesses, enlève tout ça !

_ Oui, mais tu recommences à me toucher les jambes, alors, autrement, c’est tout perdu…

_ Je recommence, je recommence… Voyons, recommençons. Le talon, la cheville…

_ Ah ! Ça chatouille !

_ Le mollet, le genou, derrière, devant, la cuisse…

_ Oh ! Dis, tu exagères, ce n’est pas la cuisse, ça !

_ Tu crois ? Ah, je me disais aussi… Reprenons : le genou, les deux genoux, les cuisses, très très  doux, l’aisne, les aisnes, c’est comme ça qu’on dit ? Les aisnes encore plus doux…Ah ! Ça t’ouvre, hein, ça t’ouvre, là ?

_ Aïe ! Brute, si ça m’ouvre, tu n’es pas obligé de poignarder la serrure !

_ Pardon pardon, j’essaie encore, tout doucement, je vais amadouer cette serrure, je vais mouiller mon doigt avec ma langue, là, voilà, petite serrure, fais-moi un sourire, dis-moi que tu m’aimes…

_ Attention, tu la malmènes encore un peu…

_ Dis donc, j’ai l’horrible impression que ton clito me fait la gueule. Il n’en serait pas un peu grognon, par hasard ?

_ Lui, mais c’est l’être le plus affable du monde ! Il faut être courtois, c’est tout !...

_ Comment ? Montre-moi…

_ Comme ça, regarde, gentiment, tu vois ? Ça y est, il est sorti de sa coquille, va donne ton doigt, doucement, hein ? Là, tu le sens ?

_ Ah ! Oui ! Ah ! Oui ! Que je le sens…

_ Doucement, n’est ce pas ?

_ Très très doucement…Si j’allumais la lampe, pour te voir ?

_ Je mourrais de confusion…

_ Oui, fais ça pour moi, meurs de confusion, je crois que je vais adorer…

_ Moi aussi, je veux te voir.

_ Moi, à la confusion, je vais peut-être lui survivre…

_ Ça, je le sais bien, pardi, que tu es exhibitionniste…

 

En voilà assez pour vous donner envie de poursuivre cette lecture ;)

« Nuits d’encre », un superbe recueil de nouvelles qui mêle avec bonheur un érotisme débridé et un regard tendre sur l’amour. Six nuits belles et torrides, racontées par l’une des plus belles plumes érotiques… Françoise Rey